VERS LA TERRE PROMISE
J’ai tenu six mois. Six mois sans ces va et vient sur le terrain. Quand je dis terrain je parle bien sûr des camps de réfugiés pas de terrain de football. Pendant ces mois, et bien d’autres après, j’ai été assise dans un bureau à rédiger des rapports, des notes, des projets et des communiqués de presses pour des donateurs et des partenaires externes. Ceci parce que j’avais ressenti le besoin d’une rupture avec le terrain pendant quelque temps, pour essayer de retrouver un peu de mon moi du début de mon engagement dans l’humanitaire, car je commençais à me sentir happée par trop d’émotions contradictoires aux contacts des personnes que nous assistons. Mais en fin de compte, il m’a fallu effectuer une brève mission d’une semaine sur le terrain six mois plus tard, pour comprendre que me vautrer derrière un bureau n’était pas la solution. Travailler permanemment dans un bureau sans être sur le terrain n’est pas mon truc. Faire ‘la belle’ chaque matin afin d’être, comme on dit, convenable derrière un bureau pour des réunions et desrencontres, n’est pas mon truc. Je me perdais davantage. Alors, oui, après ce constat j’ai décidé de revenir. Et je suis là.
J’aurai aimé dire que je suis de retour parce que le terrain me manquait ou encore que maintenant que je suis de retour je me sens chez moi, mais ce ne serait pas vrai. C’est plus profond…
J’ai fait un an et deux mois hors du domaine de travail dans lequel j’exerçais depuis le début, depuis huit ans. J’en suis aujourd’hui certes grandi professionnellement mais changée dans ma vision de l’humanitaire. Je me sens différente. Je ne vois plus ce travail de la même façon qu’avant et je crains bien que mes objectifs et motivations aient aussi changés ou du moins se soient modifiés. Je sais que j’ai l’habitude de dire des choses à demi-mot ici, surtout parce qu’on est sur internet, mais je suis tout de même certaine ne pas être la première humanitaire un peu désabusée du système…
C’est vrai, nous savons dès le début que tous les humanitaires n’y sont pas par vocation ni par volonté d’aide à son prochain, cependant on ne s’attend pas toujours à découvrir à quel point le système en lui-même peut être tout aussi calculateur. J’avais fait une ébauche d’une des dérives de mon travail dans l’un de mes articles précédents (L’anesthésie : https://ntoogue15zeta.wixsite.com/monsite/post/l-anesthésie); mais là-bas je parlais de conséquence de trop d’implication auprès des personnes que nous assistons. Aujourd’hui je vous parle de la structure, du noyau dur, du « fuel » qui est sensé faire tourner le moteur pour redonner la force d’avancer. Je suis à ma dixième année dans l’humanitaire, pourtant j’ai le sentiment de n’en être qu’au début de mes découvertes.
Pour revenir à mes éternels va et vient, eh bien oui, je suis de retour sur le terrain. Je suis partie du pays de Toumai et mes pas m’ont dirigé sur les terres de l’ancien royaume moabite, le pays du Mont Nebo, sur la route de Canaan.
Je vous parlerai dans un autre article de mon tourisme ici, pour l’heure, parlons de mon renouveau domaine de travail : les femmes, les enfants, les personnes vivant avec handicap, les traumatisés, l’éducation, la cohésion sociale et l’organisation communautaire. Je suis de retour et en plein dedans. Certes plus comme agent de terrain mais tout de même dans la Direction. On est toujours utile quel que soit l’action, même infime, que nous posons pour le bien des autres. Alors oui, un peu désabusée mais je continue en me disant qu’il ne faut pas regarder les intentions des autres ni leurs buts mais rester concentrer sur les nôtres et notre objectif ultime.
L’humanitaire me fait voyager et découvrir. Il m’ouvre l’esprit chaque jour davantage sur la vie et sur l’Humain. Je pensais avoir déjà une idée fixe sur ce que je voulais dans ma carrière mais je me rends compte que là où j’arriverai dépendra aussi du chemin que j’aurai parcouru.
Chaque expérience qu’on vit et chaque âme qu’on rencontre laissent des traces qui déterminent la suite de notre parcours.
Je suis humanitaire mais plus de la même façon et plus la même personne. J’ai changé. Mon mental a changé et ma vision avec. Je n’ai pas encore compris jusqu’à quel point ni comment. Nous le découvrirons ensemble car j’espère le partager avec vous…peut être…
En attendant, vivons donc cette nouvelle expérience sur le chemin de la terre promise.
A bientôt.
Fleur Zeta
Plus d’articles de l’auteur sur : https://ntoogue15zeta.wixsite.com/monsite